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EN BREF
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La guerre en Ukraine a bouleversé l’approvisionnement en gaz naturel en Europe, entraînant un passage d’une dépendance russe à une dépendance américaine, avec une augmentation significative de la part de gaz américain dans le mix énergétique européen. Ce changement soulève des interrogations sur le coût environnemental, car le gaz américain, principalement composé de gaz de schiste, émet 20% à 45% plus de gaz à effet de serre que le gaz russe. De plus, la liquéfaction et le transport du gaz sur de longues distances engendrent des pertes d’énergie et des rejets de méthane. Les investissements dans les terminaux méthaniers risquent d’être inutiles face à une demande est-elle surévaluée. Malgré une baisse temporaire des prix, la nécessité d’une réduction urgente de la consommation de gaz demeure cruciale pour éviter une nouvelle crise énergétique.
Le Gaz Naturel Liquéfié (GNL) constitue aujourd’hui une composante essentielle du débat énergétique en Europe. Suite à la guerre en Ukraine, l’approvisionnement européen en gaz a été profondément perturbé, entraînant une transition précipitée d’une dépendance envers le gaz russe à une nouvelle dépendance envers le gaz américain. Cette situation a soulevé de nombreuses questions sur les implications environnementales, économiques et sociales de cette orientation. Cet article vise à explorer ces enjeux, tout en plaçant l’accent sur la nécessité d’une réflexion approfondie après la précipitation qui a accompagné la quête d’alternatives énergétiques.
Contexte de la transition énergétique européenne
La guerre en Ukraine a agi comme un catalyseur, provoquant un changement radical dans la politique énergétique de l’Union européenne. Avant le conflit, la majorité du gaz consommé en Europe provenait de Russie. Cependant, face aux tensions géopolitiques et à la nécessité de diversifier les approvisionnements, l’Europe a rapidement augmenté ses importations de GNL en provenance des États-Unis. Ce changement a permis de réduire la dépendance au gaz russe, mais à quel prix ?
En 2021, le gaz américain ne représentait que 5 % du mix énergétique européen, un chiffre qui a explosé pour atteindre 20 % début 2023. Pendant ce temps, la part du gaz russe a chuté de 40 % à 10 %. Toutefois, cette transition ne doit pas être approchée avec un simple enthousiasme ; elle appelle à une analyse détaillée des conséquences environnementales et économiques.
Impacts environnementaux du gaz naturel liquéfié
Le GNL pose des défis environnementaux majeurs qui ne doivent pas être négligés. Tout d’abord, une grande partie du gaz importé depuis les États-Unis provient de gisements de gaz de schiste, dont l’exploitation est interdite en France depuis 2011. Cette méthode d’extraction est très polluante et émet de 2 à 3 fois plus de gaz à effet de serre que l’extraction du gaz conventionnel. Les pollutions locales, issues de la fracturation hydraulique, sont également préoccupantes. En effet, le processus d’extraction du gaz de schiste requiert une consommation d’énergie plus importante, entraînant des fuites de méthane qui aggravent le changement climatique.
Par ailleurs, pour être transporté jusqu’en Europe, le gaz doit être liquéfié, un procédé qui nécessite une quantité considérable d’énergie. Environ 10 % de l’énergie est perdue lors de cette liquéfaction. De surcroît, le transport par voie maritime engendre des pertes supplémentaires, exacerbant les émissions de gaz à effet de serre. En conséquence, le gaz américain pourrait émettre jusqu’à 45 % de gaz à effet de serre en plus que le gaz russe, furant l’impact évité en réduisant ces importations, ce qui souligne l’ironie de la situation.
Conséquences économiques de la dépendance au GNL
Aujourd’hui, l’Europe se retrouve dans une situation délicate sur le plan économique. Les projets de terminaux méthaniers se sont multipliés pour répondre à la demande urgente d’approvisionnement en GNL. Par exemple, les dépenses estimées pour la construction d’infrastructures gazières en Allemagne approchent les 7 milliards d’euros. Toutefois, une analyse du think tank IEEFA suggère que ces investissements pourraient être largement superflus. En effet, la demande de GNL en Europe en 2030 pourrait se limiter entre 150 et 190 milliards de mètres cubes, alors que les capacités cumulées des terminaux de GNL s’élèvent à près de 400 milliards de mètres cubes.
La question qui se pose alors est : que fera-t-on de ces infrastructures une fois construites ? Il est plausible qu’elles deviennent un prétexte pour retarder les actions climatiques nécessaires, car la rentabilisation de ces investissements deviendra une priorité. Cela démontre une gestion de crise basée sur des choix précipités, au détriment de la stratégie à long terme.
Les illusions d’une stabilité énergétique
Au cours de l’hiver 2022-2023, l’Union européenne a réussi à éviter une rupture d’approvisionnement malgré une montée historique des prix du gaz naturel, atteignant 345 euros le MWh en mars 2022. Cependant, cette situation a donné lieu à une illusion de sécurité énergétique. En réalité, le marché du GNL est désormais celui qui fixe les prix, loin de la diversité d’approvisionnements que promettait l’Europe. Le retour à des prix plus bas, entre 40 et 50 €/MWh, ne tient qu’à la conjoncture et non à une stabilité durable.
L’hiver dernier était atypique : l’Europe a stocké du gaz russe avant que l’approvisionnement ne se coupe et la Chine, en raison de confinements, a moins contribué à la demande mondiale de GNL. Des analyses indiquent qu’une hausse de la consommation de gaz en Europe pourrait engendrer une hausse des prix à nouveau si des efforts ne sont pas engagés pour réduire la demande dès cette année. Jusqu’en 2025, la couverture contractuelle de la demande de gaz en Europe pourrait être de seulement 60 %, ce qui pose de sérieuses questions sur l’avenir énergétique du vieux continent.
Vers une transition énergétique responsable
Il est crucial d’anticiper les défis liés à cette dépendance au GNL et de se concentrer sur des solutions durables pour sortir du gaz fossile le plus rapidement possible. Actuellement, le gaz naturel est destiné à 50 % pour le chauffage des bâtiments, 25 % pour l’industrie et 20 % pour la production d’électricité et de chaleur. Les solutions existantes pour réduire la consommation de gaz fossile sont nombreuses et doivent être mises en œuvre sans tarder.
Parmi les solutions, il est impératif de remplacer rapidement les chaudières à gaz dans les bâtiments par des alternatives renouvelables telles que les pompes à chaleur, la géothermie et les réseaux de chaleur bas carbone. Ce remplacement garantirait non seulement une réduction de la consommation de gaz, mais également la préservation des ressources renouvelables pour des applications plus difficiles à décarboner.
L’isolation massive des bâtiments constitue également une mesure clé à prendre. Alors que l’objectif annuel de 700 000 rénovations performantes en France n’est pas atteint, il est nécessaire de redoubler d’efforts pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments. Cela permettrait de majorer les économies d’énergie tout en réduisant la pression sur les infrastructures gazières.
Enfin, un appel à une sobriété structurelle doit être lancé pour réduire nos consommations d’énergie, tant directe qu’indirecte. Ce levier pourrait s’appliquer à tous les secteurs, nous permettant ainsi de moins dépendre des énergies fossiles, y compris du gaz.
Une opportunité à saisir pour l’économie locale
Au-delà des enjeux énergétiques, il est essentiel de prendre en considération les impacts sur l’économie locale. Une transition vers des pratiques énergétiques durables créera des emplois locaux, équilibrera la balance commerciale et renforcera notre indépendance géopolitique. Par conséquent, investir dans l’efficacité énergétique et dans les énergies renouvelables n’est pas seulement une question de préservation de l’environnement, mais également une opportunité économique.
La perception actuelle des crises énergétiques peut mener à une tempête parfaite : une dépendance accrue au GNL couplée à une précipitation dans la mise en place des infrastructures nécessaires pourrait signifier une perte de contrôle stratégique. Dès lors, envisager une sortie rapide du gaz fossile est essentiel.
Réflexion ou précipitation ?
Le passage à une économie sans fossiles doit être soigneusement planifié. Les choix précipités faits en réponse à la guerre en Ukraine risquent de se transformer en menaces pour notre environnement et notre économie. L’urgence ne doit pas justifier n’importe quel investissement. À la place, une réflexion concertée et orientée vers l’avenir est indispensable.
En résumé, il est temps de renouer avec la réflexion après la précipitation observée autour du GNL. Nous devons analyser les choix faits jusqu’à présent, évaluer leurs impacts environnementaux et économiques, et avancer vers des solutions énergétiques durables, tout en gardant nos yeux ouverts sur les défis à venir. Cela exige une politique énergétique audacieuse et intégrée, qui allie indépendance, durabilité et innovation.
L’avenir du GNL et ses implications
Les implications de la transition vers le GNL vont bien au-delà des considérations immédiates de fourniture d’énergie. Elles engendrent des changements structurels dans l’économie énergétique mondiale, influençant les relations internationales, les innovations technologiques et la durabilité environnementale. En explorant ces implications, nous devons nous poser des questions cruciales comme : le GNL est-il la réponse à nos besoins énergétiques, ou doit-on envisager des alternatives durables qui respectent notre planète ?
En fin de compte, l’avenir du GNL dépendra de notre capacité à naviguer judicieusement dans la complexité des enjeux énergétiques contemporains tout en gardant à l’esprit la nécessité de la durabilité. Ensemble, nous avons la possibilité de créer un avenir énergétique équilibré, résilient et durable, en nous engageant à concevoir des solutions innovantes qui progressent au-delà de la simple réaction à la crise actuelle.
Témoignages sur le Gaz Naturel Liquéfié : Après la Précipitation, Renouons avec la Réflexion
Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’approvisionnement en gaz naturel en Europe a subi des bouleversements considérables. Alors que la dépendance envers le gaz russe a été rapidement remplacée par une dépendance envers le gaz américain, il est essentiel de s’interroger sur les conséquences d’une telle transition. Ce changement soudain a laissé de nombreux acteurs de la filière énergique dans l’incertitude.
Un travailleur dans le secteur énergétique témoigne : « Nous avons vu un flux massif de projets de terminaux méthaniers émerger presque du jour au lendemain. Bien que cela ait été fait dans l’urgence pour garantir l’approvisionnement, je m’inquiète de l’impact à long terme sur notre environnement. Est-ce que nous avons réellement réfléchi aux conséquences de l’exploitation du gaz de schiste? »
Un chercheur en chimie environnementale ajoute : « Il est alarmant de constater que l’extraction du gaz de schiste génère 2 à 3 fois plus d’émissions de gaz à effet de serre comparativement au gaz conventionnel. Les décisions prises à la hâte risquent de compromettre nos objectifs climatiques. »
Une représentante d’une organisation non gouvernementale souligne : « Le contexte actuel de l’énergie devrait nous inciter à revoir notre approche. L’environnement ne peut pas être sacrifié sur l’autel de l’urgence énergétique. Nous devons privilégier des alternatives durables comme la biomasse et la géothermie au lieu de nous précipiter vers de nouvelles infrastructures de GNL. »
Un industriel dans le domaine du renouvelable partage ses inquiétudes : « Investir massivement dans des installations de GNL pourrait détourner des fonds précieux qui seraient mieux utilisés pour développer des solutions d’énergie renouvelable. Cela créerait une dépendance à long terme vis-à-vis des énergies fossiles. »
Un habitant d’une région historiquement dépendante du gaz raconte : « Je comprends la nécessité d’assurer notre indépendance énergétique, mais la manière dont cela se fait actuellement ne me rassure pas. Mes enfants méritent un avenir sans pollution. Nous devons nous poser les bonnes questions sur notre consommation d’énergie. »
Enfin, un économiste insiste sur l’importance d’une approche structurée : « Sans une baisse significative de notre consommation de gaz, nous serons confrontés à une réalité difficile. Nous devons rapidement orienter nos efforts vers l’efficacité énergétique et explorer des alternatives à notre dépendance actuelle au GNL. »

